11 / 2025
Annette Magnin
Annette Magnin est directrice de la Commission cantonale d’éthique de Zurich et membre du comité restreint de swissethics.
Entretien avec swissethics

« La recherche clinique doit être sûre mais aussi faire preuve d’équité »

Les essais cliniques doivent garantir que les médicaments et traitements sont efficaces et tolérés par le plus grand nombre. Mais que se passe-t-il lorsque certains groupes (femmes ou personnes âgées ou ayant des pathologies préexistantes) sont sous-représentés ? Annette Magnin répond à nos questions au nom de swissethics.

Pourquoi est-il important de tenir compte du sexe et du genre en recherche clinique ?

La recherche clinique doit fournir des informations qui pourront s’appliquer au plus grand nombre possible de personnes qui recevront le produit thérapeutique. Si certains groupes ne sont pas représentés, les diagnostics, médicaments et traitements pourront être moins précis, sûrs et efficaces ou plus risqués pour eux – du fait des différences biologiques entre femmes et hommes mais aussi de la diversité de genre et des aspects sociaux. Il manque p. ex. aussi des données essentielles sur les interactions entre médicaments chez les enfants, les personnes âgées et celles ayant des maladies préexistantes.

Concrètement, qu’est-ce qui a changé ces dernières années ?

Une prise de conscience accrue de la nécessité de concevoir des études tenant compte d’aspects biologiques et sociaux. En Suisse, la législation sur la recherche sur l’être humain pose notamment la prise en compte du sexe et de l’âge dans les études. Si un groupe concerné est exclu, il faut une justification solide. La recherche clinique doit trouver un équilibre entre protection de certains groupes et nécessité d’offrir des investigations et traitements qui leur sont adaptés : elle doit être sûre, mais aussi équitable.

Annette Magnin

« La recherche clinique doit fournir des informations transposables au plus grand nombre de personnes concernées. »

Annette Magnin

Voit-on déjà ce changement se refléter dans les projets actuels ?

Oui, dans les essais sur les médicaments, mais aussi dans des approches reposant sur l’analyse de gros volumes de données et d’échantillons biologiques. On assiste en effet au développement croissant d’algorithmes basés sur l’intelligence artificielle (IA). Mais si une base de données n’est pas diversifiée, les résultats peuvent être biaisés : un algorithme d’IA diagnostique entraîné avec des données d’hommes pourrait moins bien fonctionner, voire ne pas fonctionner du tout pour les femmes.

swissethics s’engage donc pour que le sexe et le genre soient pris en compte dans tous les secteurs de la recherche clinique. Ce n’est qu’ainsi que les interventions médicales pourront être adaptées ou des innovations développées, qui seront individualisées, sûres et efficaces pour le futur groupe cible (souvent des patientes et patients).

Toutes les études doivent-elles tenir compte du sexe et du genre ?

Pas nécessairement, mais les chercheurs doivent justifier dès la phase de planification pourquoi le sexe et le genre sont pertinents ou ne le sont pas. swissethics les aide en leur fournissant une liste de contrôle qui leur permet de tenir compte de ces aspects à un stade précoce.